bien pluche encore - la cantine durable de la CinéFabrique

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Publié le 25 septembre 2025

Laetitia Chalandon

Inclure la cuisine dans le cursus scolaire

Et si la restauration scolaire devenait un atelier à part entière dans la vie des élèves ? C’est le parti pris de la CinéFabrique, école de cinéma à Lyon.

Les élèves participent à la préparation des services. Incluse dans leur emploi du temps et répartie sur l’année, cette activité représente trois semaines pour chacun, durant lesquelles, ils participent en cuisine au travail de commis puis à la plonge : un temps d’échange privilégié avec les adultes pour s’ouvrir au monde et soutenir un projet de cantine collaborative et durable.

Lorsque j’ai voulu en savoir plus sur cette dynamique, Mathilde Fouilland, cheffe de cuisine et gérante du restaurant m’embarque d’autorité pour une pluche. La pluche, c’est ce moment d’accueil où les cuisines ouvrent leurs portes aux élèves (et aux visiteurs) pour éplucher ensemble les légumes.

Ici, on ne met pas les pieds sous la table. On participe et ça change tout. Pour moi, c’est un moment de plaisir, de partage.

Lilo 23 ans, étudiante à la CinéFabrique

_ « Tiens, prends de la confiture, elle est trop bonne ! » Lilo étudiante en deuxième année, me montre le petit pot et pour achever de me convaincre, elle ajoute avec gourmandise : « C’est Yorki qui l’a faite.  » Je refuse poliment, montrant mon carnet et mon stylo. J’espère la goûter après l’interview.

Dans la salle du réfectoire, la pénombre des ouvertures côté nord, des faux plafonds et des néons éteins ralentissent l'arrivée des premières lueurs du jour. Chaises pieds en l’air, de grands et lourds rideaux rouges et des couleurs criardes donnent une ambiance de poussière grasse. Pourquoi les cantines ont-elles été pensées comme des lieux où la gourmandise et les sens ne pouvaient pas s’exprimer ? Je ne peux m’empêcher d’y songer dès que je me trouve dans les réfectoires usés par les services.

Une école qui va jusqu'au bout de sa démarche de responsabilisation

Assise sur l'une des tables, Lilo prend son petit déjeuner après la pluche. Vingt-trois ans, l’énergie des jeunes artistes qui sentent s'agiter sous leur doigt le désir de prendre part au monde. Elle attrape avec énergie sa tartine, rapproche sa tasse et, lointaine, attend mes questions - ou les fuit peut-être... À côté d’elle, Victor se sert en café. Installés dans leur jeunesse et la vie qui s’offre ici à la CinéFabrique. En soi, une fabrique de la fierté. Apprendre dans l’autonomie, la co-gestion et l’expérimentation. Tout repose sur ces fondements. Se construire, en compréhension, en effort, en échange des rôles, sur les projets des uns des autres, les uns pour les autres. Dans un rythme soutenu. Il était évident que cette vision de l’apprentissage de la vie devait se transposer jusque dans la cuisine.

Ils savent pourquoi ils sont ici. Des parcours de vie très divers, parfois cabossés par les institutions, par la dureté de la société lorsque l’on est issu de milieux ou de cultures non conventionnelles (50% des élèves sont boursiers et pour certains d'entre eux, ont vécu un décrochage scolaire). Mais dans cette ambiance cosmopolite, ils ont cette flamme fougueuse et déterminée, celle qui conduit leurs pas vers des rêves de projecteurs, pour raconter des histoires ou leur donner corps et lumière. Lilo est entrée au département Scénario tandis que Victor évolue en lumière et VFX (production virtuelle) et est convaincu de sa place de technicien : « J’aime l’idée que j’aide les gens à raconter leur histoire, » m’explique-t-il.

Lilo et victor au petit déjeuner

Lilo et Victor au petit déjeuner après une pluche

Avec John, on parle films. C’est important d’avoir ce moment avec les gens qui te font à manger. On apprend à les connaître autrement.

Victor, 22 ans, étudiant à la CinéFabrique

Des étudiants qui jouent le jeu

Nous venons de faire une heure de pluche. Ils sont arrivés comme à la maison, ont attrapé leurs tabliers et toques en tissus dans les vestiaires. Nous n’avons pas parlé tout de suite de ce qui se fait ici. Je sens qu’il faut le vivre. Ne pas parler, juste écouter et laisser venir. Ils étaient insatiables, impatients de raconter les aventures dont ils atterrissaient littéralement depuis la veille. Lilo revenait de Turquie tandis que Victor rentrait du Brésil. Ils y ont passé un mois d’échange sur des plateaux de tournages pour expérimenter leur métier, mais différemment, dans des contextes très éloignés du sacro saint cinéma français. Lilo exprime sa sidération concernant les droits des travailleurs à Tunis. « Tes heures sup' ne sont pas payées ! J’ai été choquée par les manques du droit du travail. Il faut tout négocier avant de signer ton contrat, mais si tu n’as pas de poids, tu acceptes le job. Ça me fait penser qu’il faut se battre pour conserver les acquis. » Pour Victor, c’est le décalage entre les modes de vie qui l’ont marqué. Et puis, des méthodes d’organisation professionnelles différentes.

Nous avons découpé ensemble poivrons, oignons et aubergines, pour une revisite de la caponata. Les légumes sont cuits avec du vinaigre et de l’huile d’olive, des câpres, des olives, du céleri. Servi chaud ou froid, c’est un plat estival très apprécié pour la fraîcheur qu’il apporte. Mathilde prévoit d’y ajouter de la roquette et des tomates au moment du service. Des gastros (plats rectangulaires en inox) de pois chiches et de riz noir sortent du four. Caramélisés, les sucs des légumineuses ont confit l’intérieur et je n’ai qu’une envie : y plonger une cuillère !

Victor nettoie sa planche

Victor nettoie sa planche

Créer du lien et de la reconnaissance mutuelle

Je mesure leur complicité avec les adultes. Ils livrent leurs émotions, parfois les lignes transgressées, leur regard sur le monde. L’écoute est sereine.

Nous tranchons et le temps file, celui des jeunes en cuisine s'arrête. Victor me montre la plonge, le rangement. Retour aux vestiaires et direction petit déjeuner, qui leur est offert.

_ « Après une pluche, je suis déter' pour l’école ! C’est notre participation à la vie ici. Bon, jusqu’à ce qui faille se lever à 6 heures ! » Lilo engloutit sa tartine : « A la pluche j’ai appris à couper les légumes. L’équipe est trop sympa. C’est vrai que l’on préfère venir pour la pluche plutôt qu’au service ou à la plonge, car ça empiète pas mal sur notre pause déj'. » Elle se cale au fond de sa chaise et me regarde. « Mais c’est trop cool au niveau politique. Ici, on ne met pas les pieds sous la table. On participe et ça change tout. Pour moi, c’est un moment de plaisir, de partage. C’est agréable de couper les légumes tous ensemble. »

Victor écoute Lilo et acquiesce.

_ « Avec John, on parle films. C’est important d’avoir ce moment avec les gens qui te font à manger. On apprend à les connaître autrement. On a des passions communes, on échange sur ce qu’on aime, on découvre leur parcours de vie. Des moments qui ne pourraient pas exister sans la pluche. Ils ne seraient que des rôles. Pas des personnes avec qui on peut créer du lien. Et je trouve ça beaucoup plus correct. »

Je lui demande si la pluche lui a donné quelques compétences en cuisine.

_ « Moi, j’aime bien cuisiner. Des fois, je suis amené à découper des trucs que je n’aime pas. Bon, je n’aime toujours pas ! » Il rit. « Mais ça m’a ouvert. Et oui, ma technique de découpe est plus efficace maintenant. »

Nous sommes interrompus par l’arrivée bruyante d’un groupe d’élèves. Ils se dirigent vers la cantine, à grands rires et exclamations de joie. La musique résonne à fond. Une jeune fille est venue apporter des cadeaux de retour de son stage à Yorki, originaire de Colombie. Une mangue et du poivre qu’il accepte en riant. L’équipe prend une petite pause pour fêter les retrouvailles.

Restauration et Cinéma : de nombreux points communs

La restauration collective ce sont des horaires avant le lever du soleil. C’est une adaptation au quotidien, de la débrouille, de l’autonomie, de l’agilité. Le cinéma aussi. Par intermittence. Des coups de feu de plusieurs semaines qui laissent le corps en suspension quand tout s’arrête. Une partie de soi reste sur le plateau tandis qu’il faut repérer, se projeter et préparer les prochains.

Lorsque les étudiants envahissent les allées, encore ensommeillés et buttant contre les couloirs, Mathilde, Yorki, Felix, John et Ousman, soit l’équipe quasi permanente en cuisine, sont en pleine effervescence. Car pour eux, il n’y a pas de temps calme. C’est un train à grande vitesse qui évite les virages trop serrés. Il n’y a pas le choix. Le repas doit sortir. Tout comme la séquence doit se faire. En cuisine, on se donne tout entier à ses convives. En cinéma, tout pour le plan. Deux environnements hyper hiérarchisés dans lesquels les efforts collectifs convergent vers la fabrique d’une histoire. Celle qui nourrit le corps et celle qui nourrit l’imaginaire. Sauf qu'en vérité, la restauration et le cinéma font les deux à la fois.

Ils sont intimement liés par de multiples similitudes. Mais pour la cuisine collective, s’ajoute le poids du manque de reconnaissance sociale. Du manque d’attrait. Alors que nourrir les enfants, cette jeunesse qui s’offre au monde, récolter son tourbillon d’émotions et la voir grandir est à la fois un rôle immensément ingrat et beau. Quand les moyens sont donnés pour que ce rôle prenne toute sa dimension noble, d’utilité sociale, elle permet de créer des univers de saveurs, des sources d’inspirations et de bonheur, de développer de l’équité, de la réciprocité et de l’attention.

Mathilde et équipe

Mathilde briefe l'équipe pour le menu de midi

Les gamins sont surpris de constater que ce n’est pas une corvée. Quand tu as appris à préparer des blettes, tu as envie d’y goûter. Sans cela, on ne pourrait pas les sensibiliser aux enjeux de l’alimentation, ni discuter avec eux de leurs attentes. Ils nous offrent des cadeaux, viennent chercher du réconfort. Nous sommes très clairs sur qui on est. Il n’y a pas de mélange des genres. Mais je pense que le fait de les nourrir instaure un lien particulier.

Mathilde Fouilland, cheffe de cuisine et gérante du restaurant scolaire de la CinéFabrique à Lyon

La restauration collective à la préhistoire de ses possibles

Puissant levier d’action aux impacts conséquents, la restauration collective sert 7 millions de repas par jour en France. 90 000 restaurants privés ou publics, 110 000 salariés pour un chiffre d’affaires de 20 milliards d’euros en 2021 (source : ADEME).

Ecoles, hôpitaux, entreprises, maisons de retraites, crèches ou encore prisons, la restauration collective intervient à chaque étape de la vie et doit s’imposer comme un acteur majeur d’une alimentation saine, accessible et de qualité, tout en réduisant son impact sur l’environnement.

Mais elle se heurte à un paradoxe : jongler entre une attente des convives pour du goût, du savoureux, du réconfortant, des repas équilibrés mais pour pas cher.

Le turn over y est important, les employés n'ont pas de reconnaissance sociale, subissent des horaires harassants et des salaires de misère une fois ramenés au nombre d’heures effectives et à la pénibilité, ainsi qu'un management fréquemment toxique et brutal. Car l'organisation de ce secteur et ses budgets sont plus souvent pensés pour nourrir en priorité des investisseurs et des intermédiaires plutôt que des enfants. Des approvisionnements venus des quatre coins du globe, côtés en bourse et soumis aux pressions de la spéculation, des ressources mal fléchées et une grosse pression de résultats en interne. La dissociation entre nourriture du quotidien et gourmandise s'est peu à peu imposée.

C'est ajouté un sentiment d'infériorité par rapport à la restauration commerciale. Car bien qu'elles n'aient pas les mêmes fonctions, il y a eu une sorte de confusion dans les manières de cuisiner. Les diplômes sont identiques alors que outils et les contextes sont très différents. D'un côté un service quasi public ; de l'autre, une proposition que l'on pourrait qualifier d'agrément.

Faire évoluer la manière de travailler en restauration collective et être agile permet de tirer son épingle du jeu. Cela s’entend, dans un contexte où les gérants de site instaurent une volonté d’aller vers une restauration durable et humaine. De mettre en place des conditions de travail décentes et dignes, tout en proposant des repas de qualité.

La loi Egalim promulguée en 2018 devait permettre de faire avancer les choses dans le sens de la santé, de l'environnement et d'une meilleure connexion entre agriculture et cuisines. Elle marque un tournant important mais nécessite des aménagements organisationnels globaux et un changement de mentalité pour être pleinement appliquée sur le terrain.

Ces transformations ne sont qu’au début de leur histoire et les innovations se développent. Elles peuvent aussi être le fait de politiques publiques menées dans les communes comme par exemple avec la création des fermes municipales qui approvisionnent leurs cantines scolaires avec leurs produits bio. On en compte une centaine sur le territoire, la plus importante étant la ferme métropolitaine du Grand Lyon. Cela passe aussi par l'aménagement de politiques publiques facilitant les circuits de distribution entre producteurs locaux et restaurants.

Restauration collective : coûts et ambitions

En restauration, pour être à l’équilibre, il faut au minimum vendre son produit en multipliant par trois son coût d’achat. Cela donne une idée du « coût matière » par repas. En général, on compte entre 0,80€ et 1,20€ de coût de denrée par personne. Pour servir entrée, plat et dessert. C’est ce qui génère autant d’aberrations dans les choix d’approvisionnement en restauration collective. Du poulet brésilien, des légumes espagnols ou marocains, des céréales ukrainiennes... Les champignons de Paris viennent généralement de Pologne, le poisson de Chine ou du Moyen-Orient, les oléagineux de Turquie... L'implacable mise en concurrence sur les marchés mondiaux a conduit vers une incongruité mortifère : un produit venant de l'autre bout du monde est mieux valorisé que celui qui vient d'à côté. Alors que le marché pourrait tout à fait se tourner vers les filières de l’agriculture française existantes. Il y a eu des améliorations depuis la loi Egalim mais cela reste encore tendu, surtout si le modèle continue de prospérer sur la profusion de plats par service. Parce qu’avoir le choix pour le client, cela signifie qu’en cuisine, on ne dégage pas de temps pour faire des préparations maison, et on n'optimise pas le coût des denrées (proposer moins de viande pour en acheter de meilleure qualité le jour où l'on prévoit d'en servir, par exemple). On ouvre des boîtes, on réchauffe, on vide les congélateurs. Et on gaspille. Car les enfants repoussent les assiettes. Les équipes se retrouvent à jeter leur travail du matin, un geste quotidien, usant et dégradant.

Autant d’incompatibilités avec un travail digne, une rémunération juste des fournisseurs, des produits frais, et de saison.

La cuisine pensée au cœur de la CinéFabrique

Prendre le temps de la sensibilisation

La CinéFabrique est en travaux. Mi-juillet, ce sont les dernières semaines avant la pause. Et le réfectoire justement, va changer de lieu. Il sera placé au centre de l’école, donnant sur la cour. Un espace qui a été entièrement végétalisé. De grandes baies vitrées sont prévues.

Mathilde m’explique qu’elle a pu travailler avec l’architecte et les paysagistes pour inclure des espèces nourricières dans les jardins. Arbres fruitiers, haies de petits fruits, et pour grimper aux pergolas, de la vigne, du houblon, du kiwi. Elle pétille : ce ne sera que du nourricier !

Mathilde a repris le projet il y a quelques années, instauré par sa prédécesseuse Sophie Imbert très rapidement après l'ouverture de l'école. Une formation entièrement gratuite et ouverte à la diversité culturelle et sociales qui voulait construire un modèle de service public et de fonction nourricière pour ses étudiants.

Mathilde a été emballée par cette vision d’une autre cantine, connectée avec les bénéficiaires. « Les gamins sont surpris de constater que ce n’est pas une corvée. Ils s’inscrivent par réflexe pédagogique et ils y trouvent leur compte. Quand tu as appris à préparer des blettes, tu as envie d’y goûter. Certain font plus d’heures parce qu’on offre le petit déjeuner. On crée du lien. Sans cela, nous les verrions passer de loin. On ne pourrait pas les sensibiliser aux enjeux de l’alimentation, ni discuter avec eux de leurs attentes. Ils nous offrent des cadeaux, viennent chercher du réconfort. Nous sommes très clairs sur qui on est. Il n’y a pas de mélange des genres. Mais je pense que le fait de les nourrir instaure un lien particulier. »

Défendre des méthodes concrètes

Les choix alimentaires sont expliqués en début d'année auprès des nouveaux élèves. Ces choix, ce sont 98% de produits bio et locaux, du fait maison à 100%, une «vraie» option végétarienne systématique, zéro sucre raffiné, un menu 100% végétarien deux fois par semaine.

Les bouillons, les chapelures sont fait maison. Le pain est bio.

Enfin une obligation pour les élèves et les encadrants de s’inscrire dix jours avant leur venue est instaurée. Ce dernier point est une réussite, car les emplois du temps changent fréquemment. Le gaspillage alimentaire dû à l’approximation ou l’absence des convives est colossal en restauration collective. Ici, les calculs sont effectués à la portion près.

C’est un des leviers les plus importants si l’on veut faire évoluer toute la chaine. Réduire le gaspillage à zéro peut permettre une économie allant jusqu’à 20% voire 30% selon les modèles.

Cette marge peut ainsi être utilisée pour acheter des produits de meilleure qualité, et rémunérer les producteurs quasiment sans intermédiaire, au prix juste.

Pour les approvisionnements, un seul fournisseur : la SCIC Bio à Pro. C’est une coopérative de producteurs qui se sont regroupés pour créer leur propre filière de distribution, pour les cantines et la restauration commerciale (voir l'article Manger ou être mangé)

Instaurer du zéro déchet et de la solidarité alimentaire

Mathilde m’explique que lorsqu’il reste des repas, pour diverses raisons, un système de solidarité a été mis en place. Les étudiants signent une décharge dans laquelle ils endossent la responsabilité de la qualité de la nourriture une fois sortie de la cuisine. Car malheureusement, ce qui n'est pas servi en restauration collective doit être jeté. C'est le seul moyen qui a été trouvé pour rester dans le cadre de la loi. Les élèves qui le souhaitent peuvent déposer leur boîte nominative le matin et les récupérer après le service. « Parfois il n’y a rien, parfois oui. J’ai des étudiants qui déposent leur boite tous les jours pour leur repas du soir. Pour eux, se nourrir trois fois par jour, c’est très difficile. Alors, je suis fière de pouvoir leur proposer un repas irréprochable au moins pour le midi. C’est terrible de dire cela en 2025. »

Le repas est vendu, selon les barèmes du CROUS, entre 1,20€ et 3,70€

De la créativité dans les assiettes

Mathilde est fière de me faire visiter l’économat (le lieu de stockage des denrées sèches) et les chambres froides. Aucun produit transformé ne s’y trouve. Que du frais, de la matière brute, estampillé AB ou localisé en Rhône-Alpes. Beaucoup de légumineuses et de céréales variées.

Pour que la restauration collective se remette à cuisiner, il faut sortir des recettes et la rendre plus efficace m’explique-t-elle. Ce concept, elle le tient du Mouvement des Cuisines Nourricières, instauré par Gilles Daveau.

L’unité de calcul est pensée en gastro. Cet ustensile de préparation, de cuisson et de service est majoritairement utilisé en cuisine collective. Et les plats sont imaginés par thématiques, déclinables en fonction de la saison et des envies. Par exemple avec la salade céréalienne. Mathilde possède une fiche technique dans laquelle figurent les proportions en gastro de tant de céréales, tant de légumineuses et tant de légumes : il lui suffit de choisir en fonction des disponibilités du moment (pois cassés et riz blanc, ou pois chiches et blé...) et ajouter ses légumes cuits et crus et ses aromates. « On se fait également plaisir avec des plats du monde. Des mujaddara, mafé, de la chorba... Il faut pouvoir montrer qu’en restauration collective, on peut faire du délicieux et voyager. »

Tout est préparé séparément et assemblé à la fin. Ce qui permet de respecter les temps de cuisson, l’infusion des saveurs et le respect des textures. Elle peut ainsi respecter les préconisations diététiques et associer diversité nutritive et gourmande.

Ses fiches ont été pensées pour simplifier les processus et les rendre fiables au regard des outils utilisés en cuisine collective. C’est très important car aussi étrange que cela puisse paraître, ils sont quasiment inexistants dans les formations. Chacun s’adapte, fait à sa convenance. Et cela contribue à dégrader les ambiances en cuisine. L’approche des Cuisines Nourricières permet non seulement de trouver des idées de plats qui soient gourmands et créatifs, de gagner du temps et d'optimiser les coûts sans renier ni sur la qualité, ni sur l'ambiance de travail.

Mathilde a réalisé une sorte de pralin avec de la chapelure, de la pâte de cacahuète et du sucre. Elle en saupoudre les fromages blancs et c’est un franc succès. Un plaisir addictif qui rappelle le Snikers mais en beaucoup plus sain.

Par la fenêtre ouverte, des rires et des embrassades nous parviennent. Mathilde me regarde, elle s'apprête à les rejoindre. Juste le temps de se dire, à travers sa présence à la fête de ces adultes en devenir, que leur parcours est beau, et que celui vécu ensemble fût important.

Les vacances s’annoncent. Il va falloir préparer la rentrée, et reprendre dès septembre, l’accueil de nouveaux enthousiasmes à nourrir...

Pour aller plus loin

Infographie de la loi Egalim

Freins et leviers pour une restauration collective scolaire plus durable, Rapport de l'ADEME, mai 2022

équipe de la cantine de la CinéFabrique

John, Félix, Yorki, Mathilde et Ousman, la fabuleuse équipe de la Cantine collaborative et durable de la CinéFabrique

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