Les bons Zestes

Mon premier souvenir avec les oranges

Il me semble que des oranges, il n’y en avait pas à la maison. Ce n’était pas le genre de fruits que l’on consommait.

Celles auxquelles je pense aujourd'hui sont les mêmes qui ont suscité mon désintérêt : les oranges au self du lycée.
Des fruits calibrés et fades, vidés de leurs atouts par les séjours prolongés en chambre froide, blanchis par les néons, ignorés ou choisis par défaut dans des paniers désespérément plein chaque jour, tous les jours de l'année. Et ce, dans toutes les cantines scolaires et dans tous les restaurants d’entreprise en France, depuis des décennies.

Et pourtant ! En sortant du circuit industriel, de celui qui veut remplir ses poches et les ventres sans nourrir le corps, on fait de fabuleuses rencontres.

Lorsque la nuit englobe la journée, que le froid de l’hiver ralenti le temps et rend l’humeur maussade, l’orange arrive comme un enchantement. Fruit solaire, elle tient sa promesse dès que sa peau rugueuse et bosselée s’ajuste à la paume de la main.

Souvenir du Bistrot

J’associe volontiers la saveur de l’orange à l’image d’une grand-mère rassurante et chaleureuse vérifiant que le moral soit bon et qui sache comment remédier au cafard.
C’est en général ce que j’attends de la maîtrise de l’amertume en cuisine. Très présente dans les vieilles recettes, elle tient pour moi ce rôle de tuteur. C’est le regard des racines qui nous autorisent à être vivants.
Je me souviens d’un matin, au bistrot, nous cherchions avec le Chef Druguet un dessert qui puisse créer du lien entre les générations. Nous allions recevoir beaucoup de familles pour ce service. On voulait sortir du chocolat et des fruits à coques. La semaine était glaciale, on avait envie que les clients puissent repartir avec motivation et enthousiasme dans leurs obligations du jour. Gérard a sorti son cahier de recette, celui qu’il tient depuis son apprentissage et qui renferme tous les trésors de quarante ans de métier.
«_Laetitia, on va faire une tarte à l’orange !
_Cool ! parle-moi de ce dessert, je ne le connais pas.» Et puis j’ai tout de suite pensé, «oui mais attends, l’amertume tout le monde n’aime pas ça. Comment va-t-on leur transmettre ce que nous aimons y trouver ? Et surtout, comment ne pas tomber dans une saveur douceâtre et écœurante ?»
Il me dit, «_attention hein ! c’est pas comme un appareil au citron. Là, je coupe les oranges finement, je garde la peau et je les fait caraméliser à la cuisson.»
Et moi j’imagine déjà la saveur de la marmelade mais dans une tarte. Je salive, je veux la goûter. J’ai une confiance totale dans le savoir-faire de ce chef incroyablement doux et rebelle, dandy et humain, proche du terroir et dont la sensibilité lui permet de tout transcender.

Où acheter des oranges et comment

Ce que je peux conseiller, c’est avant tout de créer des liens avec les épiceries de votre quartier tout en ayant vérifié que leurs produits soient de saison, bio et le plus local possible. Quand la confiance s’installe, vous pourrez leur demander des conseils et des précisions sur l’acheminement. Gardez quand même à l’esprit que cela reste encore difficile de se fournir de manière complètement durable et en direct producteur pour les agrumes. Une solution : organiser ou se greffer sur des achats groupés en direct producteur et optimiser les 10kg de commande par personnes ! En vérité, ça se mange vite, surtout si vous choisissez des agrumes différents. L’autre avantage, c’est que l’orange entière se cuisine et se décline pour être consommée fraîche et/ou conservée longtemps.

C’est l’expérience que j’ai fait ce mois de décembre avec des oranges navelina (Citrus Sinensis Navelina) via l’école de mon fils. Cette variété est incroyablement savoureuse et convient à tous les usages.