Histoire de l’évolution des semences
Publié le 28 novembre 2024
Laetitia Chalandon

Histoire de l’évolution des semences
Pour comprendre ce qui motive autant dans son statut de plante oubliée, c’est parce que la grande majorité des semences cultivées aujourd’hui ne sont plus capables de s’adapter aux aléas et ont perdu de leur valeur nutritive.
Dans les grandes lignes :
Une plante transmet son expérience à travers son patrimoine génétique, pour la préparer et assurer sa survie. De génération en génération, elle saura développer des compétences pour palier au manque d’eau, au froid, aux ravageurs... le règne végétal est d’une « intelligence » à travers son adaptation au changement vraiment remarquable. Il est capable d’une grande résilience.
Façonner notre alimentation
Depuis la naissance de l’agriculture, il y a 12 000, le monde paysan a sélectionné des variétés pour améliorer ses conditions de survie. Il assurait le renouvellement d’une biodiversité en prélevant de sa récolte, les semences destinées à la récolte suivante. Les agriculteurs développaient la sélection, la conservation et la multiplication des semences C’est ainsi que la notion de terroir s’est développée. Les plantes se sont adaptées aux spécificités des terrains qu’elles se sont mises à occuper, suite aux échanges de graines entre les populations humaines et via les interférences avec des écosystèmes riches et diversifiés. Ces semences anciennes sont semblables aux êtres humains : chaque individu possède un patrimoine génétique unique, qu’il transmet et enrichit au fil des siècles. Pour donner un ordre d’idée, Nikolaï Vavilov, botaniste, l’un des pères de la génétique mondiale avait collecté dans des lieux de primo-domestication des plantes, berceaux des prémices agricoles de l’humanité 270 000 espèces et variétés dont 70 000 variétés de blé ! Il avait eu cette intuition de diversifier au maximum le patrimoine génétique pour permettre l’alimentation de la population.
Que sont les graines modernes ?
Au milieu du XVIIIe siècle, on s’intéresse à créer des lignées pures, pour répondre aux attentes agricoles et sociétales. L’objectif est de permettre une production à plus grande échelle en l’homogénéisant. Ces lignées sont issues d’un très petit nombre de semences dites « anciennes », pour des propriétés bien spécifiques. Elles ont été isolées et reproduites entre elles pour conserver une caractéristique. Comme par exemple, une lignée de maïs avec un haut taux de rendement et une autre lignée pour un maïs à la chaire juteuse. Ces lignées ont donné des variétés spécifiques, les graines étant toutes parfaitement identiques. Afin de cumuler des caractéristiques souhaitées en une seule variété, on croise ses deux lignées pures jusqu’à éliminer du génome, les caractères non désirables pour ne garder que les caractères d’intérêts. Ces nouvelles variétés se nomment les Hybrides F1. Les premières ont été inventées en 1908. Après la Seconde Guerre mondiale, leur utilisation a été généralisée, pour les céréales, les légumineuses, les légumes... Les semences de lignée pure et les Hybride F1, font l’objet d’une protection juridique via des brevets. Le métier de semencier s’impose parallèlement à l’utilisation d’intrant chimique. En effet, ces hybrides sont également sélectionnées pour leur bonne faculté à assimiler les engrais de synthèse dont elles ont besoin pour être cultivés sur des sols non propices à leur culture.
Les coûts de l'industrialisation de l'alimentation
La compétence semencière est petit à petit retirée aux agriculteurs. Avec l’industrialisation de l’agriculture, les semences majoritairement représentées dans notre assiette aujourd’hui, ont été sélectionnées au niveau de leur génétique, non plus pour leur capacité à s’adapter à leur terroir, ni pour leur richesse nutritive, mais pour répondre à des préoccupations de commercialisation et de tranformation. Meilleur rendement, meilleure conservation, récolte groupée, homogénéité de l’apparence et du goût, couleurs attrayantes, absence de pépins ou d’amertume, chaire moelleuse... il n’y a que demander. Si la nécessité de produire à partir de plantes dites "stables" pour nourrir massivement, les conséquences sont très préoccupantes. Les Hybrides se reproduisent mal. Issues de consanguinité, elles ne peuvent pas transmettre leur patrimoine. D’une année sur l’autre, elles perdent de leur capital, de leur richesse. Et d’une année sur l’autre, il faudra en racheter.
Malheureusement, tout cela à un prix, qui se paye fort. L’uniformisation des espèces a amoindri le patrimoine génétique. Les cultures sont donc plus fragiles, avec un risque de perte accru en cas d’apparition d’une maladie ou grands bouleversements climatiques, sans compter la dépendance aux grands groupes semenciers privés. Le marché mondial des semences est dominé aujourd’hui par trois géants de l’industrie agrochimique : Bayer (qui a racheté Monsanto en 2018), Corteva et Syngenta. Le recours à la chime conduit à un effondrement de la biodiversité, à la pollution des sols et de l’eau, à un accroissement de perturbations sanitaires chez les humains (cancers, maladie cardio-vasculaire, allergies...)
Une récente étude L'injuste prix de notre alimentation estime les coûts cachés de l’agro-industrie pesant sur la santé et l’environnement en France à 20 milliards d’euros par an.
Semence Paysanne, Ancienne ou Population
En parallèle des Hybrides F1 et des lignées pures, existent toujours les semences dites « ancienne », ou « population » ou « paysanne ».
Leur rendement et leur temps de croissance est inférieur aux HF1, et elles ne sont pas très présentables. Leur texture, leur forme, leur couleur, leur calibre varie d’un plant à un autre, ce qui est difficile à récolter et à marqueter. Elles sont cependant plus robustes aux aléas, moins gourmandes en ressources et possèdent des qualités nutritives nettement plus élevées. Et pour les agriculteurs, c’est un gage d’autonomie. Ce sont surtout des plantes encore « entières » et « autonomes », elles représentent notre héritage, notre bien commun. Ce n’est qu’en 2010 qu’on les autorise, sous conditions*, à figurer dans les catalogues de semences officiels. Avant cela, il était impossible de commercialiser ces variétés population. Elles ont subsisté grâce aux engagements de citoyens, de jardinier passionnés, de paysans et de paysannes qui ont poursuivi ce travail de sauvegarde, de conservation et de production.
sources
Élise Demeulenaere, Christophe Bonneuil, Des Semences en partage : construction sociale et identitaire d’un collectif «paysan» autour de pratiques semencières alternatives, Techniques & Culture, 2011
Mathieu Brier et le Groupe Blé, Notre pain est politique aux Editions de la dernière lettre, 2019
Semences Paysannes ressources
Semence Paysannes Site officiel
Hybride F1 sur Wikipédia
Ensemble, construisons l'alimentation de demain 🫶🏻 - lien Hello Asso
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