Quel avenir pour l'agriculture ?

Actualité

Publié le 06 janvier 2024

Laetitia Chalandon

L'avenir de l'agriculture se jouera collectivement

En 2024, la société est faite d’hommes et de femmes qui proposent une alternative. Et qui pourrait devenir une référence, dans l’intérêt de toutes et tous. Cette aventure est celle d’une prochaine révolution agricole. Une véritable bifurcation pour prendre soin des vivants, durablement.

Enjeux de l'agriculture de demain : on pose le décor

En France, 1,6% de la population exerce une activité agricole. Contre deux tiers dans les années 1950. Nous sommes très nombreux.ses à compter parmi nous, des grands, arrières parents paysans. Au fil du 20e siècle, l’occupation des sols cultivables a été réduite. Les petites fermes disparaissent, englouties par de plus grosses.

La biodiversité et la diversité de production se sont appauvries. Les activités se sont industrialisées et spécialisées. Traduisez : adieu petite ferme, veau, vache, cochon, poulet, potager, bonjour étendue de maïs, pesticides, pollution et élevage hors sol. Exportations, prix du marché et concurrence internationale.

L’industrie agro-alimentaire façonne les produits alimentaires selon des critères marchands qui sont complètement éloignés des intérêts du mangeur. Les fruits et légumes en sont un exemple flagrant : sélection et amélioration des variétés pour contrôler le calibrage, la conservation et l’homogénéité du goût. Avantage pour le conditionnement, le transport, le nombre de ventes. Quid de la richesse gustative, nutritionnelle, environnementale ?

Avons-nous réussi à nourrir l’ensemble de la population pour autant ?

Non. La précarité alimentaire n’a jamais été aussi injuste, le gaspillage alimentaire si indécent*.

Les conditions de vie des paysans s’est-elle améliorée ?

Non. Le salaire moyen d’un agriculteur équivaut à 70% du Smic. Le travail reste éprouvant, même si la mécanisation a réduit la pénibilité. Si les maraîchers ne s’en sortent pas par manque de main d’œuvre, les éleveurs, eux, sont pris dans le feu de l’endettement et des intermédiaires. On compte un suicide tous les deux jours tandis que deux cents fermes disparaissent tous les mois. Oui parce que 50% des agriculteurs ont plus de 55 ans.

Et pour ne rien gâcher, les bouleversements climatiques perturbent les cycles et menacent les productions.

Et enfin, il y a l’image tenace et dépréciative du métier. Comme si être paysan était une activité héréditaire, une sorte de non-choix, réservée à une caste rustre et rurale.

En fait, si on regarde bien, l’agriculture concentre toutes les problématiques, injustices et impasses sociales, économiques et environnementales de notre société. Nous avons conscience de ces constats que nous regardons, impuissants, se dérouler. En effet, difficile depuis la place « du mangeur grand public », de comprendre la législation, les orientations de la PAC, l’implication des lobbys, le foisonnement de labels, le rôle des industriels et des intermédiaires.

Alors, je vous propose de revenir aux fondamentaux. De partir de la base, comme le ferait une graine pour germer.

Comme a pu le questionner Aurélien Barrau le 25 novembre dernier au micro de Thomas Snégaroff dans Le Grand Face-à-face sur France Inter. « Nous sommes des vivants qui n’aimons plus la vie ». Pour trouver les solutions, pour guider nos actions il n’y a que cette question à se poser : « que voulons-nous ? Que voulons-nous vraiment ? ».

La graine, elle, sait ce qu’elle veut pour elle. Devenir une plante qui produira à nouveau une graine. Pour cela, elle a besoin d’un nombre infini d’interactions avec le vivant. Et en poursuivant son aventure de graine, elle donnera l’occasion à tout un écosystème de se construire.

Et nous ? Que voulons-nous dans notre assiette ? Un aliment qui aura produit de la vie pour un ensemble d’êtres humains et vivants ou une valeur marchande créant de la richesse pour quelques-uns ?

Le gros enjeu actuellement, vous l’aurez compris, c’est la transmission des fermes. La moitié des agriculteurs seront bientôt à la retraite et leurs terres chercheront des repreneurs. Les reconversions s’imaginent et certains envisagent une installation en maraîchage sur de petites surfaces. Là où ça coince, c’est sur l’investissement. Les fermes sont grandes et demandent un investissement d'1 million d’euros. Comment assumer cela seul ?

ligne de choux de Bruxelles derrière laquelle on devine un tracteur et deux personnes en train de travailler dans le champ

Aujourd’hui, je vais vous parler de femmes et d’hommes, paysannes et paysans, futurs cultivateurs, accompagnateurs de ces métiers, élus, qui se sont posés cette question et qui ont trouvé des réponses.

Afin de maintenir des fermes à taille humaine et de limiter l’absorption par les grandes exploitations agricoles (fermes usines yper spécialisées), des réseaux alternatifs et des collectifs sont apparus.

Le 21 décembre 2023 - une soirée dédiée aux fermes collectives

Le 21 décembre dernier, c’est au Faitout, à Oullins, que Les Fermes Partagées et La Jardinière ont décidé de partager leurs travaux au cours d’une soirée « faire réseau autour des fermes collectives ». Ces deux structures fédèrent et œuvrent pour un changement de modèle agricole.

Jauge pleine pour cette soirée, avec des invités inspirants et pertinents. Des échanges riches et réconfortants. De quoi recharger les batteries et repartir vers 2024 avec des objectifs stimulants.

jauge plaine au faitout pour la soirée des fermes partagées

Programme

- La restitution des travaux de fermes collectives

- Une table ronde sur le thème « L’installation en ferme collective : un levier pour transformer le modèle agricole ? » menée avec rythme et pertinence par Claire Roso, animatrice chez Tiers-lieu Paysan de la Martinière.

Invités

Jérémy Camus, Invité d’honneur, vice-président de la Métropole de Lyon en charge de l’agriculture et de l’alimentation

Hélène Brives- Enseignante Chercheuse à l’ISARA Lyon

Cacciabue Philippe - Consultant chercheur sur les Communs - Ancien directeur de Terre de Liens

Médéric Ollagnier - Associé-salarié de la Ferme de Chalonne en SCOP - confondateur et président des Fermes Partagées

Nicolas Brulard - Associé fondateur de la (future) SCIC Le Courtil de Quincieux

Céline RIOLO, directrice de la coopérative Fermes Partagées

Comprendre les modèles économiques au service de l'humain : les SCOP et les SCIC

À ce stade de lecture, il me semble que pour poursuivre, vous aurez besoin de quelques clés de compréhension de modèles économiques en dehors du champ agricole.

Retour au 19e siècle. L’ère industrielle est dans sa course folle. Les ouvriers défendent leur droit au travail et à l’autonomie. Petit à petit sera construit une autre forme d’entreprise : la SCOP : Société COopérative de Production. Les salariés sont actionnaires a minima de 51% et donc, propriétaires de leur société.

L’entreprise est gérée démocratiquement. Une personne égale une voix. La direction est élue par ses membres et les bénéfices sont répartis de trois manières possibles. Une part aux salariés qu’ils soient associés ou non (au minimum 25%), une part en « réserve impartageable » (15% au minimum). Cette part reste dans l’entreprise et profite à l’évolution de celle-ci. Et une part aux associés (elle ne peut être supérieure à la part des salariés ni à celles des réserves).

Les SCOP ont plus de cent ans. Elles répondent à un besoin de créer de la diversité dans le monde de l’entrepreneuriat, et surtout une approche solidaire et humaine de l’économie.

Dans les années 2000, le mouvement des SCOP permet de créer une nouvelle structure juridique : la SCIC : Société Coopérative d’Intérêt Collectif. Le capital des SCIC est ouvert aux salariés et aux usagers. Qu’ils soient des particuliers, des entreprises, des associations et des collectivités. Tout est là. L’économie au service des êtres humains et des territoires. Un statut juridique donnant la possibilité de s’associer et de se soutenir dans un projet commun.

Enfin, et dernière particularité, les SCIC, comme les SCOP, peuvent décider d’être des CAE : Coopératives d’Activité et d’Emplois. Les CAE regroupent divers entrepreneurs ayant des métiers similaires ou non. Ensembles, ils mutualisent les moyens (compatibilité, gestion, ressources financières et humaines, réseau, formation, échanges commerciaux...). Chacun gère son activité et génère les revenus qui lui seront nécessaires. Ils décident de l’orientation de l’entreprise. De sa vision, ses valeurs et ses missions. Tous sont salariés.

Les actrices de la soirée

Les Fermes Partagées est une SCIC dotée de l’objet social CAE. Elle est spécialisée dans un domaine d’activité : l’agriculture. Elle a été créée par des collectifs de paysans et de paysannes et par des hommes et des femmes souhaitant transformer le statut d’agriculteur. Sa mission est d’accueillir, de former, d’accompagner et de soutenir une nouvelle manière de structurer et de sécuriser l’activité agricole.

La Jardinière est une association qui existe depuis 10 ans. Son rôle est de soutenir et développer des projets coopératifs dans l'alimentation. Elle a pour objet de "concevoir, étudier, expérimenter, accompagner et promouvoir de nouvelles formes de coopération et d’innovation économique dans le champ de l’économie sociale, solidaire (ESS) et écologique. Comprenons : soutenir et être porteur de solutions d’avenir sur les territoires.

Mettre en place une Bifurcation Agricole

« Le milieu agricole a vécu une transformation totale à la sortie de la seconde guerre mondiale. Les paysans sont devenus des agriculteurs, les fermes des exploitations. Aujourd’hui, une Révolution Indicible se dessine. On parle de « Land Manager » ou « Entrepreneur du vivant ». La terre devient un capital foncier appartenant à de grosses holdings. » Le travail est sous-traité, l’agriculteur n’existe plus, il n’est plus propriétaire ou décisionnaire de rien. Ces grosses entreprises géreront 30 à 35 K d’hectares. C’est démentiel et c’est une paupérisation massive du milieu agricole. C’est le statut même de travailleur de la terre qui disparaît. « C’est un retour de l’agriculture dans le monde capitalistique. Cela arrive lentement, mais on ne va pas se laisser faire ! Il n’y a qu’une totale BIFURCATION qui puisse changer complètement les modes de fonctionnements et sécuriser un accès à l’alimentation pour toutes et tous. Les Fermes Partagées, les fermes collectives, sont inspirantes, résilientes et proches du vivant. » Rappelle Philippe Cacciabue, ancien directeur de Terre de Liens.

Portrait de Philippe Cacciabue. Le visage un peu fermé, le regard épuisé par un engagement de longue date.

Philippe Cacciabue, Consultant chercheur sur les Communs, ancien directeur de Terre de Liens.

Les fermes collectives relèvent le défi

C'est quoi une ferme collective ?

Les fermes collectives sont constituées de plusieurs personnes, n’appartenant pas à la même famille. La plupart travaillent en bio ou sont en reconversion. Certaines ont fait le choix de label différents comme «Nature et Progrès». Dans tous les cas, elles pratiquent l’agroécologie (respect du vivant), multiplient les activités agricoles et de transformation, et font le choix d’une organisation horizontale. On le comprend, elles deviennent plus résilientes aux aléas climatiques, car si l’activité de céréales par exemple, subit un dommage, l’activité de production d’œuf ou d’atelier pédagogique prendra le relais. Elles sont aussi plus attractives, puisque si elles sont montées en SCOP ou en SCIC, les travailleurs auront un statut de salariés. « Le collectif permet la mutualisation et l’accès à de grosses structures. Il permet de les transformer vers la diversification et de créer des cercles vertueux. Les différents «ateliers» se complètent. C’est en toute logique que le choix se porte vers une agriculture biologique. » Codirigeante des Fermes Partagées, Céline Riolo, place la dimension humaine au cœur du projet : « Il nous fallait des outils pour permettre une adéquation entre les envies et les valeurs. Nourrir la résilience alimentaire tout en favorisant la dignité, la désirabilité des métiers. »

Céline Riolo, Codirigeante des Fermes Partagées

Changer de modèle pour sortir des impasses

La difficulté, c’est de s’accorder mutuellement. C’est en cela que la ferme devient un collectif qu’il faut pouvoir cultiver. De plus, la gestion en SCOP n’est pas complètement câblée pour l’activité agricole. On en reparle un peu plus bas.

Constituer un collectif pour gérer une ferme remet en question de nombreux fondamentaux. Le fonctionnement collectif a toujours existé dans le milieu agricole, tout comme l’entraide. Seulement, il faut le voir à l’image d’une famille. Et dans une organisation familiale, il n’y a pas de frontière entre le travail et la vie privée. Le lieu de vie est le lieu de travail. La symbiose est totale et extrêmement engageante, éreintante financièrement et psychologiquement.

Dans une ferme collective, l’outil de travail appartient à la coopérative, l’entreprise ou l’association. « Le rapport à la propriété de la terre et au capital est entièrement déconstruit. » Explique Céline Riolo. « On ne vit plus sur son lieu de travail ou alors, on le considère différemment. L’usage des communs (lieux d’habitation) est décidé par chaque collectif. De plus, dans une SCOP ou une SCIC, on se détache de la revalorisation des parts sociales. »

Les collectifs ont tous des histoires, des points de départ et des organisations internes différentes. Il leur appartient de construire ce qui leur semble le plus juste, en fonction de l’existant.

Il y a ceux qui se sont transformés, par nécessité de trouver une porte de sortie. Ceux qui sont déjà constitués, mais qui cherchent un lieu à acquérir.

Témoignage de Fermes existantes

Médéric Ollagnier, associé salarié de la Ferme de Chalonne, président des Fermes Partagées témoigne : « nous existons depuis 15 ans. Nous étions un GAEC qui s’est transformé en SCOP en 2017. Ça a permis de faciliter les entrées et les sorties des associés et de rompre avec le modèle capitalistique du GAEC. Nous avons pu mixer activités agricoles et commerciales. Et ce fût un succès. Nous avons augmenté nos activités, construit des bâtiments et payé les heures de travail. »

Dans un schéma classique, c’est la revente des terres et du matériel qui permet la valorisation du travail. Cela signifie d’attendre la retraite pour se payer. Et encore.

Alors quand le patrimoine appartient à l’entreprise, il faut payer les heures, moins travailler. Le seul moyen, c’est de diversifier les activités.

La volonté de créer les Fermes Partagées tient au besoin d’échanger sur les « bidouilles », de mutualiser les connaissances administratives et de gestion du collectif. C’est un moyen d’action politique pour promouvoir ce modèle agricole. « La ferme est un passage dans nos vies. »

Pour Nicolas Brûlard du Courtil de Quincieux, l’accompagnement par les Fermes Partagées leur a permis de trouver comment utiliser leur lieu. La SCIC est en cours de création, mais l’activité de production agricole a déjà un an. Nicolas est locataire en fermage*** des terrains, il voulait un projet collectif et a recherché des associés. La démarche est intéressante puisqu'il a pu tester l'activité et réfléchir à la manière de devenir acquéreur « Le format coopératif qu’offre la structure juridique de la SCIC est top !, mais il y a encore beaucoup à faire auprès des partenaires. » En effet, si certaine banque connaissent bien le fonctionnement des SCOP, elles sont moins à l’aise avec l’activité agricole. Et inversement. Or, il est nécessaire d’avoir des interlocuteurs qui comprennent les spécificités des structures.

Les collectivités et la législation doivent se positionner

Aujourd’hui, les avancées doivent se produire du côté de la législation. Actuellement, l’accès au foncier est ouvert aux SCOP ou aux SCIC mais elles ne sont pas prioritaires. Leur activité n'est pas considéré comme étant agricole à part entière. Et elles ne sont pas éligibles aux aides à l’installation. C'est là tout le paradoxe : ce nouveau système résout une grande partie des problématiques mais n'est pas encouragé.

Les collectivités publiques ont leur rôle à jouer. En soutenant ces modèles innovants, elles participent au bien commun. Faire reconnaître un accès réglementaire au foncier est une priorité, mais elles peuvent déjà s’investir en participant au capital des SCIC sur leur territoire. Elles sont une partie prenante intégrante de la souveraineté alimentaire des territoires. La métropole de Lyon l’a bien compris et s’investit en ce sens.

« Il n’y a plus assez d’agriculteur. Il faut collectivement s’organiser. Ça traverse les clivages politiques. Ces projets ne sont pas que techniques. Ils sont un positionnement citoyen pour un projet de société »,

soutient Jérémy Camus, vice-président de la Métropole de Lyon en charge de l’agriculture et de l’alimentation.

Faire réseau autour des fermes collectives

Les Fermes Partagées et La Jardinière se sont donc soutenues pour créer et organiser les Rencontres entre les acteurs de ces changements. Car pour constituer une alternative plausible et sérieuse ; il est impératif de s’organiser, d’échanger et de se structurer.

« Nous voulions faire réseau entre des fermes collectives. Il nous manquait un espace pour expérimenter et vérifier la pertinence d’une instance d’échanges entre nous. » S’exprime Joaquim Ferrand de la ferme de Chalonne et rapporteur des Rencontres pour cette première partie de soirée. « Le programme a été coconstruit entre six fermes et six accompagnants. »

Joaquim et Léonore devant une salle pleine

Joaquim Ferrand de la ferme de Chalonne et Léonore Charpentier, membre de La Jardinière

Trois jours pour co-construire un futur enviable

Ont été invités des collectifs de fermes existants, des porteurs de projet de ferme et des consultants/accompagnants. « Il était important pour nous qu’un maximum de personnes des différentes structures puissent être présentes. Nous ne voulions pas d’un modèle de représentation. Il fallait que chaque sensibilité puisse s’exprimer et vivre ces rencontres ».

Léonore Charpentier, membre de La Jardinière, et facilitatrice des Rencontres évoque les nombreux chantiers qui ont été ouverts et la volonté de poursuivre ces Rencontres sur les années à venir. « On a réussi à créer un espace précieux. Ce fût un succès. S’il peut être difficile de mobiliser les paysan.ne.s car les contraintes sont fortes sur les fermes, pour nous ça n’est pas le cas : on est victimes de notre succès et l’année dernière nous n’avons pas pu convier autant de fermes que l’on aurait souhaité. Organiser un évènement qui soit accessible pour eux et adapté à leurs besoins, c’est un espace rare et précieux ! C’est pourquoi on organise en 2024 des rencontres avec deux fois plus de participant.e.s que l’année dernière »

Joaquim renchéri « Dans les fermes collectives, nous avons deux tâches principales : le travail de production et le travail du collectif.» Faire ensemble et de manière démocratique ne s’improvise pas : « il est dangereux pour le collectif de ne pas faire ce travail. La survie se fait grâce à l’organisation. Mais se faire accompagner demande des moyens »

Les « chantiers » de travail se sont organisés en commission. Ils étudient les spécificités non pas de production agricole, mais des collectifs. Et le premier travail lorsque l’on crée un groupement, c’est celui de l’identité. « Qui sommes-nous, qu’est-ce qui nous réuni ? quelles sont nos valeurs ? » Durant une année, à la suite des trois jours de rencontre, ce travail s’est poursuivi pour aboutir à l’écriture d’une Charte et d’un manifeste.

Deuxième chantier, « où sommes-nous ? » Cartographie et répertoire des fermes collectives. « Un outil à dispo pour se repérer, se connaitre et échanger des ressources. Nous avons besoin de rester en lien durablement. » explique Joachim.

Troisième chantier, la formation dédiée aux fermes collectives. Ce parcours permettra une immersion dans les fermes pour des porteurs de projet, afin de les aider à construire les contours de leur future ferme « les fermes collectives sont attirantes, elles accueillent et inspirent aujourd’hui de nombreux porteurs de projets. C’est pourquoi on parle de "fermes écoles" on pensent qu’elles jouent ce rôle. »

C’est aussi un moyen de valoriser les paysans et les paysannes dans leur capacité à être formateur et formatrice et de ce fait, une attirance pour la pluriactivité.

Quatrième chantier, la documentation et la recherche. Monter des collectifs qui soient opérationnels côté gestion administrative et humaine, c’est un savoir-faire qu’il faut pouvoir transmettre.

La matière est empirique, il faut la traduire pédagogiquement pour la valoriser et la diffuser plus largement.

Enfin, d’autres questionnements comme le parcours professionnel dans les fermes, le rôle des fondateurs, la place des femmes dans les organisations.

Vous l’aurez compris, ces chantiers n’ont pas tellement de lien avec le travail de production. Cet aspect-là est maîtrisé, même s’il se perfectionne au fil du temps. On ne peut s’empêcher d’apprendre et de s’inspirer du vivant. Surtout avec les changements climatiques actuels. C’est donc sur cette nouvelle façon de fonctionner, de s’organiser que ces collectifs se sont penchés pour permettre à un espoir de devenir une révolution.

Avec cette restitution, vous plongez dans le cœur de l’action et êtes les témoins d’une organisation qui se construit.

Demain, tous.tes paysans.nes ?

Si aujourd’hui il est communément acquis que l’on puisse avoir plusieurs carrières dans une vie professionnelle, pourquoi le secteur agricole doit-il encore obéir à un système de caste ? Pourquoi ne pas lui permettre d’être envisagé comme un passage. Les vocations seraient multipliées et nous en avons besoin. Nous pourrions devenir ces Paysans de Passage**. Les fermes qui se construisent en zone périurbaine favorisent cette transition. Pour se tester avant de s’installer plus loin. Pour permettre aux mangeurs de fabriquer de nouveaux imaginaires autour des fermes collectives et de se sentir partie prenante de cette aventure qui nous attend.

*chiffres du gaspillage alimentaire ADEME 2022 : 32% lors de la production, 21% lors de la transformation et 14% lors de la distribution, 33% le sont lors de la phase de consommation

** Paysans de passage : les fermiers du mouvement Terre de Liens en France, Elsa Pibou

*** locataire en fermage : pour aller plus loin sur la compréhension de la législation, je vous recommande le rapport de Terre de Liens. Il vulgarise la question de la propriété agricole et de ses enjeux. Un superbe travail, à destination du profane ! A télécharger ici