Êtes-vous dans les choux ?
Publié le 20 janvier 2024
Souvenir chou
Quand je pense au chou, je revois ma mère chaussant ses bottes en caoutchouc bleu marine, à l’intérieur fourré et jetant sur ses épaules, une grosse veste blanche imperméable. Elle sort de la maison, emprunte le tracé de neige tassée, réalisé la veille. Elle s’enfonce dans ce dégradé de blanc et de brouillard. Seuls ses cheveux noirs témoignent du mouvement de sa marche et de sa présence. Les flocons de neige recouvrent tout derrière elle, le passage se referme. Dans le jardin, des lignes de feuilles givrées se frayent un chemin sous l’épaisse couche de poudreuse. Certains légumes dorment ici, attendant d’être choisi pour le repas. Des tiges bleutées de poireaux se dressent entre de grandes courbes d’un vert foncé. La nature est là, robuste. Après une visite aux animaux, ma mère saisi son couteau près des lapins et s’en va, d’un geste ferme et énergique, cueillir un gros chou vert. Dans son nid de feuilles sont retenues des gouttes d’eau glacée. Elle les secoue, retire les plus meurtries et offre à la basse-court un petit déjeuné de choix.
Le chou. Associé au repas des paysans depuis le Moyen Âge. Dévalué et sous-estimé, précédé par sa réputation malodorante et flatulente.
Chou gastronomique
Pourquoi manger du chou ?! Avec l’oubli des saisons, on s’est passé du chou au quotidien. Il faut dire qu’en manger plusieurs fois dans la semaine, c’est un défi.
Mais parfois, on cuisine pour ne pas gaspiller plus que pour se faire plaisir. Alors délaissons les mauvais souvenirs pour en créer de savoureux !
La gastronomie française s’est emparée du chou pour en faire des plats d’exception. Avec de fines associations, le chou révèle son potentiel de gourmandise et de diversité. J’en évoque quelques-unes dans 1 min pour aimer le chou !
Mon plus beau souvenir de plat au chou est celui du chef Gérard Druguet. Nous avons travaillé ensemble de 2017 à 2021 dans le restaurant pédagogique dont j’avais la gérance. Des plats uniquement de saison et locaux pour faire l’éducation au goût des convives. Et bien d’autres choses dont je parlerai un jour.
J’avais instauré dans la semaine un jour « Légume à l’honneur ». Un menu unique pour décliner un produit végétal. Le sortir de son rôle d’accompagnement pour le mettre au centre de l’assiette.
Il avait réalisé un chou frisé farci au quinoa et aux pleurotes, bouillon façon ramen, sésame et radis roses. Le bouillon, incroyablement gourmand, relevait, en fin de bouche, avec le piquant des radis, tout l’ensemble du plat. Gérard avait la faculté, grâce à sa maîtrise, sa personnalité et son amour du métier, de nous faire voyager dans un univers littéraire. Je ne sais pas comment expliquer mieux cela. Mais avec sa cuisine, il est possible de lire des histoires, de voyager dans le temps et de vivre comme dans un roman d’époque.
Il me manque beaucoup.
plat de Gérard Druguet, hiver 2018
Pourquoi manger du chou ?
Douceur, texture, couleur, infinité de variétés... ils étaient considérés il y a 3 000 ans comme de véritables médecines ambulantes ! Les Romains l’ont implanté en Europe. On en trouve beaucoup de sauvage sur le bord des côtes bretonne et anglaise. Ils parsèment les routes et les champs avec des petites fleurs jaunes et des feuilles grasses.
Cuit comme cru, il est riche en vitamine C et en acide folique. Ce dernier joue un rôle essentiel pour la formation des globules rouges, le fonctionnement du système nerveux et du système immunitaire. On le prescrit aux femmes enceintes pour limiter les risques de malformation du fœtus. On le dit anticancéreux et son jus efficace pour traiter les ulcères d'estomac. On lui prête des vertus antidiarrhéïque, antibiotique, reminéralisante et apéritives.