La salade, un faux légume ?
Publié le 29 juin 2022
La salade, c’est pour les lapins ?
Alors voilà une information qui va révolutionner votre journée : toutes les variétés de «salade» sont en fait des Laitues. Et oui ! La Batavia, une laitue ! la Feuille de Chêne rouge ou blonde ; une laitue ! la Reine des Glaces ou «Frisée de Beauregard» ; une laitue ! la Romaine ; une laitue ! La mâche ; ah non, ça, c’est une autre plante. Comme la Chicorée, la Scarole la Roquette et le Pissenlit. C’est quand même pas parce que ça ressemble à des herbes qu’on peut tout mettre dans le même panier ! De toutes ces feuilles-là, on en reparlera puisque c'est tout de même grâce à elles que l'on peut mettre du goût dans les salades... justement !
Parce que la salade, sans trop en raconter, en cuisine, c’est un plat.
Je sais que ce n’est déjà pas évident de faire la différence entre toutes ces Laitues. Ce qu’il faut retenir, c’est que peu importe l’apparence, vous apprendrez à choisir votre variété selon vos préférences gustatives. Pas seulement pour leur goût, mais aussi pour leur texture et la forme de leur feuille.
La Laitue donc. Parfaite entre deux tranches de pain, de beurre et de jambon, moins appétissante dans un plateau en plastique chromé, sous un cube de fromage en train de flétrir aux côtés de deux tomates cerise hors saison...
La Laitue, j’aime en avoir toujours dans mon frigo parce que c’est l’ingrédient magique. Elle complète à merveille les plats, leur donne du volume, de la mâche, du croquant, du rafraîchissant, aussi bien crue que cuite. Elle dépanne les fins de soirée, les faims intempestives et laisse libre cours à une créativité infinie.
Comment la laitue arrive-t-elle dans nos assiettes ?
J’y viens. D’abord, la Laitue sauvage a séduit les premiers sédentaires, pour sa disponibilité quasi illimitée toute l’année, pour l’huile de ses graines et pour ses feuilles tendres. Hippocrate évoque ses propriétés soporifiques, au Moyen-Age, elle investie les potagers des cloîtres pour ses vertus apaisantes et calmantes, et c’est en 1809 que le Dr A Ducan d’Edimbourg étudie les effets du latex de la Laitue comme médicament et substitut à l’opium.
Plus la Laitue est verte, plus elle est riche en vitamine et minéraux. Dans l’usage populaire, on la considère comme apéritive, analgésique (anti-douleur), émolliente (qui relâche les tissus) et calmante, elle est recommandée pour la toux, l’insomnie et l’excitation.
Alors, vous en dites quoi ?
Je poursuis. La Laitue, on peut la manger de différentes façons. La plus connue et la moins intéressante, c’est la Frisée industrielle aux bords noircis par un trop long passage dans les transports, servie en début de repas avec sa sauce en brique. J’en ai encore des frissons de dégoût. Au mieux sans saveur, au pire une ligne d’amertume molle et des pointes acides.
En Savoie, ma grand-mère, servait les jours de fête, une feuille de chêne bien fraîche juste avant le fromage, avec une sauce aux échalotes. Ce plat arrivant généralement vers 15h, comme un trou Normand pour faire de la place aux desserts, douceurs et autres suites du repas. J’entends encore l’entre-choc des grandes cuillères de service en plastique contre les bords en verre dentelés et légèrement rosés des saladiers de famille.
Recettes marquantes de Laitues
La Laitue, je l’ai redécouverte au restaurant la Belle Etoile, servie avec le fromage justement, en un subtil mélange de cinq variétés et d’herbes poivrées, sucrées ou juteuses. Les saveurs se répondent et sont un écho à la richesse florale des pâturages.
J’ai gardé cette habitude par la suite en remplaçant le pain pour accompagner un morceau de Tome des Bauges ou d’Ossau-Iraty (brebis). Je trouve que la gourmandise des fromages est moins absorbée par celle de l’amidon.
Des années plus tard, juste avant le coup de feu des services du soir à la Coquette (aujourd’hui Les Boulistes), une grande assiette de Laitue Iceberg, avec un steak haché pour préparer le corps à une dynamique intensive (oui, le repas du serveur est maigre et dépourvu de talent gastronomique). Pour le coup, ce plat avait l’avantage de ne pas nous alourdir tout en étant rassasiant.
Quand je parlais de créativité, je pensais aux recettes de Laitue cuite.
Il y en a une que j’aimerais tester un jour. Il s’agit de braiser dans du beurre les petits pois frais entre deux feuilles de laitue Sucrine ou laitue Pommée non essorées.
Comme le persil, on peut mettre la laitue de partout. Taillée en chiffonnade, on peut la jeter dans les soupes et les bouillons en fin de cuisson. Elle les parfumera subtilement en cuisant dans la chaleur résiduelle. On peut aussi les déguster en ragoût (voir le petit bonus en bas de page).
Enfin, il y a un plat que nous aimons particulièrement avec Franck et que nous préparons souvent : Le Samgyeopsal 삼겹살. L’utilisation de la Laitue y est parfaite. Elle fait office de contenant pour la dégustation de poitrine de porc grillée. Comme un wrap, on la remplit à sa convenance avec divers accompagnements dont le kimchi, la ciboule marinée pimentée, la feuille de Pérille, des gousses d’ail, de l’huile de sésame, de jeunes poireaux crus haché en fin filament, les haricots noirs, les pickles de radis Daikon au curcuma... C’est un plat festif, convivial, qui se mange sans fin car les aliments qui le composent rassasient lentement, comme pour donner le temps aux convives de profiter de ces instants d’amitié, là où les relations se construisent dans la joie et durablement.
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sources
- L’encyclopédie des Aliments, Editions Fontaine, 1997, 94p
- Tante Marie, La Véritable cuisine de famille, A. Taride éditeur, 1950, 254p
- Roger Phillips et Martyn Rix, Légumes, La Maison Rustique, 1994, 210 - 204p
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Samgyeopsal 삼겹살.